vendredi 30 janvier 2009

Un dossier consternant



8 mai 1945
Fin de la seconde guerre mondiale
115 500 déportés de France
ne rentreront pas
des camps de la mort

15 mai 1985
Loi n° 85-528
sur les actes et jugements déclaratifs de décès
des personnes mortes en déportation

Janvier 2009
Moins de 53 000 jugements déclaratifs de décès
ont été établis conformément à la loi du 15 mai 1985
dont 12 seulement pour les 44 enfants d'Izieu

Loi n° 85-528 du 15 mai 1985
sur les actes et jugements déclaratifs de décès des personnes mortes en déportation
Journal officiel du 18 mai 1985 p. 5543
Décret n° 86-66 du 7 janvier 1986
portant application de la loi n° 85-528 du 15 mai 1985
sur les jugements déclaratifs de décès des personnes mortes en déportation
Journal Officiel du 15 janvier 1986 p. 706


Lacunes, lenteurs, retard, inertie...
Un dossier consternant




Un cas exemplaire :
Actes de décès des 44 enfants d’IZIEU
et de leurs six éducateurs et éducatrices
(mise à jour le 12 décembre 2010)






jeudi 29 janvier 2009

I - Rappel de l'objet de la requête

La loi n° 86-528 du 15 mai 1985 (annexe 1)

a été instituée pour pallier le fait que les actes de décès des personnes non rentrées de déportation (toutes déportations confondues, déportation dite «raciale» et déportation dite «de répression») étaient rédigés, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, de manière fantaisiste et incompatible avec la vérité historique, voire géographique dans certains cas.

Il est très important de noter que cette loi prévoit deux démarches distinctes qu'il ne faut pas confondre :
1) Article 1er : apposition de la mention «Mort en déportation» sur l'acte de décès.
2) Article 3 : décès présumé survenu le cinquième jour suivant la date de départ du convoi, au lieu de destination du convoi.

Or, un certain nombre de réponses ministérielles mettent l'accent sur l'application de l'article 1er de la loi, la mention «mort en déportation» ne pouvant être accordée, après enquête, à certaines catégories de déportés (volontaires pour le STO, prisonniers de droit commun, etc.) mais passent sous silence l'établissement des actes de décès, obligatoire pour tous les déportés décédés, et prévu par le Code Civil (articles 79 et 91).
Selon les chiffres communiqués par le Ministère de la Défense, on dénombre, au 1er novembre 2008, 115 500 personnes non rentrées des camps nazis, dont seulement 52 884 ont fait l'objet d'un acte de décès portant la mention «mort en déportation».

La situation se présente donc ainsi :

  1. 115 500 personnes décédées dans les camps nazis>

  2. 52 884 actes de décès portant la mention «Mort en déportation» alors que le Ministère concerné indiquait, en décembre 2006, avoir enregistré 87 248 dossiers

  3. Parmi ces 52 884 actes de décès dont certains sont dits «rectifiés», il subsiste d'innombrables erreurs de toutes sortes, ainsi que des mentions incompatibles avec les dispositions de la loi n° 85-628. On trouve, par exemple, des dizaines d'actes de décès indiquant, aux lieu et place de la date et du lieu de décès, la mention «sans autres renseignements», alors que les renseignements nécessaires et conformes aux dispositions de la loi de 1985 se trouvent, en tout cas, dans les ouvrages de Serge Klarsfeld (Mémorial de la Déportation des Juifs de France) et de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation (Livre-Mémorial de la déportation) que tout un chacun peut consulter, et dans les archives ministérielles du Ministère de la Défense.
  4. Un grand nombre de déportés n'ont jamais fait l'objet d'un acte de décès, pour des raisons variées, notamment dans le cas où les familles ont été totalement exterminées. Il reste donc à établir les jugements déclaratifs de décès les concernant, afin de pouvoir y ajouter, le cas échéant, la mention «Mort en déportation».

  5. Dans un très grand nombre de cas, la transcription de ces actes de décès n'est pas faite à la mairie du lieu de naissance (pour les personnes nées en France) et à la mairie du dernier domicile connu (pour tous les déportés), en violation des articles 79 et 91 du Code Civil. (annexe 2)

Cette situation est particulièrement grave, pour diverses raisons :

  1. Tout d'abord pour des raisons d'éthique et de décence ; il est particulièrement déplorable que tous ces déportés, morts sans sépulture par la volonté nazie, soient également privés d'acte de décès par la négligence et la carence administratives françaises.

  2. Cela représente une gêne importante pour un certain nombre de familles (dossiers d'héritages, demande d'inhumation dans les cimetières juifs qui nécessitent la preuve d'une filiation juive).

  3. La loi n° 85-528 du 15 mai 1985 a été votée à l'unanimité par Messieurs les Députés et Sénateurs. C'est donc leur faire injure et bafouer cette loi que de ne pas l'appliquer, loi qu'ils ont préparée avec beaucoup de soin comme on peut le lire dans les travaux préparatoires publiés tant pas le Sénat que par l'Assemblée nationale. (annexe 3) (annexe 4) (annexe 4a) (annexe 4b)

  4. C'est ouvrir toutes grandes les portes aux négationnistes de tout poil qui risquent d'invoquer un jour la non-existence des actes de décès (seul document justifiant officiellement du décès d'un citoyen, en France) pour prétendre qu'il n'y a pas eu autant de morts en déportation que nous le prétendons. Il suffit, pour se convaincre de la réalité de cette hypothèse, de lire ce qu'écrivait M. LE PEN dans un article publié par le quotidien Le Monde le 15 septembre 1985, et M. FAURISSON dans un texte paru sur un site Internet le 25 février 2008. (annexe 5) (annexe 6)

Les services ministériels indiquent, dans certaines de leurs lettres, qu'il est nécessaire d'étudier les dossiers longuement, et minutieusement avant d'accorder la mention «Mort en déportation». Il ne semble toutefois pas nécessaire d'étudier longuement les dossiers des 11 400 enfants dont Serge KLARSFELD a rassemblé les noms, avant d'apposer cette mention sur leur acte de décès (quand il existe...). IL est évident qu'ils n'ont pas fait partie des volontaires pour le STO ni des prisonniers de droit commun. En ce qui concerne les 44 enfants d'IZIEU, seulement 12 d'entre eux ont fait l'objet d'un acte de décès rédigé conformément aux dispositions de la loi... (annexe 7)

On ne peut s'empêcher de rappeler que les Allemands n'ont mis que deux ans pour mettre les Juifs en fiches et en envoyer près de 80 000 dans les camps de la mort. Sans doute disposaient-ils de collaborateurs plus zélés, plus motivés et plus efficaces que les personnes chargées de l'application de la loi du 15 mai 1985.

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mercredi 28 janvier 2009

II - Institutions ou personnalités contactées

Depuis environ sept ans, Mme Eve-Line BLUM-CHERCHEVSKY a tenté de très nombreuses démarches, écrit des multitudes de lettres, fait intervenir des députés, des sénateurs, des maires...

Les réponses ministérielles qu'elle a reçues, souvent de simples copies d'une lettre préenregistrée, ont toujours été aussi courtoises que totalement stériles.

Parmi les lettres que reçues du Ministère de la Défense (DPMA), les signataires en étaient Mesdames Solange A***, Danielle B***, Claudine J***, Isabelle L***, Messieurs Daniel A***, Philippe H***, Hamlaoui MEKACHERA, Philippe R***, Michel S***... (annexe 8, annexe 9, annexe 10, annexe 11-1, annexe 11-2, annexe 11-3)
Un certain nombre de ces réponses commencent par la phrase : « Vous avez à nouveau attiré l'attention de... » ;

À l'évidence, Mme Eve-Line BLUM-CHERCHEVSKY est donc considérée comme une correspondante assommante et dérangeante à qui il convient de répondre (ou de faire répondre) courtoisement, par une réponse passe-partout sans intérêt.

Dans l'une de ces réponses, le signataire confondait allègrement la Fondation pour la Mémoire de la Shoah et la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, et leurs directeurs respectifs, ce qui montre bien le peu d'intérêt que le service concerné attache à ce dossier (annexe 12).

Plusieurs députés et sénateurs ont fait un louable effort pour tenter de soutenir ses revendications légitimes (annexe 13, un exemple parmi d'autres).

Les réponses qu'ils ont obtenues (publiées et consultables sur le site Web du Sénat ou celui de l'Assemblée Nationale), sont toutes calquées sur le même modèle, stéréotypé, enregistré une fois pour toutes dans un ordinateur quelconque, et imprimé à la demande... Elles se terminent en général par la phrase rituelle : « Le secrétaire d'État tient à assurer l'honorable parlementaire [que ces dossiers seront étudiés] avec toute la célérité nécessaire » (sic) (réponse du Secrétariat d'État aux anciens combattants à la question écrite posée par un sénateur au gouvernement le 23 octobre 2003, publiée dans le JO Sénat du 22/01/2004 - p. 166 (annexe 14).

Le 15 mars 2006, M. Hamlaoui MEKACHERA répondait à M. Louis SOUVET, sénateur du Doubs, en lui communiquant un certain nombre d'informations discutables : «la difficulté majeure, etc.» ou restées inefficaces : « le Ministère de la Justice prépare une circulaire d'application [...] Le département ministériel a été consulté sur ce projet le 222 décembre 2005 [...] La Direction de le Mémoire, du Patrimoine et des Archives [...] étudie la possibilité [...] », ou inexactes en ce qui concerne certaines des affaires pour lesquelles Mme Eve-Line BLUM-CHERCHEVSKY est intervenue, ne serait-ce que le dossier de l'enfant Alain BLUMBERG, « en cours de signature » le 15 mars 2006, qui fera l'objet d'un arrêté ministériel nominatif le 12 juillet 2007, soit 16 mois plus tard !! On conçoit que les services ministériels soient surchargés de travail, mais un délai de seize mois pour signer un document semble tout de même un peu long...
(annexe 15).

En avril 2006, le même sénateur (M. Louis SAUVET), s'est adressé
«à nouveau » au Ministre délégué aux Anciens Combattants ; celui-ci lui répond par lettre du 20 avril 2006 : « C'est bien volontiers que j'ai demandé au service compétent d'examiner votre requête dans les meilleurs délais » ... (annexe 16)

Mais la loi n° 85-528 du 15 mai 1985, dans ses articles 2, 4 et 5, indique que c'est précisément le Ministre des Anciens Combattants qui représente « le service compétent » !!! Si bien que le citoyen lambda> n'y comprend plus rien...

Effectivement,
« le service compétent », par l'intermédiaire de M. Daniel A***, chef du bureau des titres et statuts, répondait par lettre datée du 8 avril 2006 (annexe 17) en reprenant les termes exacts du courrier de M. MEKACHERA adressé à M. Louis SOUVET le 15 mars précédent, avec les mêmes informations erronées, à savoir que l'Officier d'état civil habilité du Ministère de la Défense n'a jamais procédé à une rectification des actes de décès de Samuel BROJST, André SULZER, Jean SULZER, Pierre SULZER, Rachel SOFFER, contrairement à ce qui est écrit dans cette lettre.

Dans cette même lettre du 18 avril 2006, l'arrêté ministériel portant attribution de la mention « Mort en déportation » sur l'acte de décès du petit Alain BLUMBERG (à titre de rappel : il était né à Drancy pendant l'internement de ses parents et très courte existence s'est terminée dans une chambre à gaz d'Auschwitz...) était encore annoncé, et comme indiqué ci-dessus, cet arrêté ne devait être publié au Journal Officiel que le 7 août 2007.

En mars 2008, M. Bertrand DELANOË s'étant adressé à Mme Rachida DATI, celle-ci lui a répondu être « attentive à vos observations », et
« j'ai demandé à mes services de les examiner avec le plus grand soin ». Mais la question concerne, avant tout, le Ministère des Anciens Combattants avant celui de la Justice... et il ne semble pas y avoir eu de suite (annexe 18).

La dernière lettre adressée par Mme Eve-Line BLUM-CHERCHEVSKY au secrétaire d'État à la Défense et aux Anciens Combattant a reçu une réponse en date du 11 septembre 2008, de M. Michel S***, directeur du Cabinet, copie conforme de toutes les précédentes, à quelques phrases près (
annexe 19).

Enfin, alors qu'il était encore maire de Longwy, M. Jean-Paul DURIEUX (qui est parmi les députés ayant voté la loi n° 85-528) a reçu une réponse, en date du 21 février 2008, de M. Philippe J***, Commissaire en chef de la Marine, État-Major Particulier de la Présidence de la République (
annexe 20).

Avec tout le respect qu'elle doit et qu'elle porte à M. le Président de la République et à ses collaborateurs, Mme Eve-Line BLUM-CHERCHEVSKY est obligée de constater que cette lettre reprend, une fois de plus, le même chapitre qui commence par « Comme vous le savez, l'existence d'un acte de décès ou d'un jugement déclaratif de décès est indispensable à l'octroi de la mention « Mort en déportation ». Or, non seulement Mme Eve-Line BLUM-CHERCHEVSKY le sait, mais c'est précisément l'objet de toutes ses interventions depuis plus de sept ans !!!

Monsieur Philippe J*** ne pouvant bien évidemment que se fier à ce que « le service compétent » lui a dit, écrit que « la difficulté majeure » concernant l'attribution de cette mention [...] concerne les interprétations divergentes selon les parquets, de la loi du 15 mai 1985. Mme Eve-Line BLUM-CHERCHEVSKY regrette de devoir contredire cette assertion qui n'est pas tout à fait le reflet de la réalité :

- aussi coupables soient-ils, les parquets en question ne sont pas légion et ne représentent pas la « difficulté majeure » de ce dossier ;
- une fois encore, il n'est pas fait mention des actes de décès qui portent la mension « mort en déportation », certes, mais sont constellés d'erreurs qui ne sont pas la faute des parquets, mais bel et bien celle des services ministériels compétents.

Par ailleurs, M. Philippe J*** évoque une « une réunion qui s'est tenue le 26 avril 2007 au ministère de la justice afin d'examiner l'interprétation commune à donner à certaines dispositions de la loi, notamment les articles 3 et 5, de manière à pouvoir accélérer les procédures dans le respect de la loi. » D'autres courriers adressés à Mme Eve-Line BLUM-CHERCHEVSKY mentionnent cette réunion, mais elle a eu lieu il y a plus de dix-huit mois... et rien n'a changé. Au rythme actuel de la publication des arrêtés ministériels au Journal Officiel, compte tenu des rectifications (et des rectifications de rectifications !!) qui seront nécessaires, compte tenu du fait que ces actes de décès ne sont que rarement transmis aux mairies de naissance et aux mairies du dernier domicile des personnes décédées et qu'il faudra le faire, 25 ans au moins (et peut-être le double) seront nécessaires avant que l'ensemble des personnes concernées n'ait obtenu cet acte d'état civil (dont les autres citoyens décédés en France dans des conditions « normales » font l'objet quelques heures après leur décès, sans délai et sans frais) et qu'il soit transcrit dans les conditions exigées par le Code Civil (articles 79 et 91)...

Pourtant, dans un courrier daté du 7 novembre 2002 (il y a six ans...), émanant du Ministère de la Défense, la signataire écrivait à Mme Eve-Line BLUM-CHERCHEVSKY : « l'examen des dossiers relevant de l'application de ladite loi s'achèvera probablement à la fin de l'année 2002. Néanmoins, une deuxième vérification s'évérera nécessaire, afin de procéder à d'éventuelles rectifications » ... (
annexe 21).

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Mise à jour du 29 avril 2009




Il y a plus grave. Dans sa réponse du 19 février 2009 (annexe 32), M. Michel S***, directeur du cabinet du Secrétaire d'état à la Défense et aux Anciens Combattants, remet en cause purement et simplement la loi n° 85-528 du 15 mai 1985 (étant rappelé que cette loi a été votée à l'unanimité des députés et des sénateurs), en indiquant :

"à l'heure actuelle, l'administration chargée de l'instruction des dossiers n'est pas autorisée à procéder à la modification des date et lieu de décès par application de la loi du 15 mai 1985 [lorsqu'il] ne s'agit plus d'un transfert par convoi parti du territoire français, mais d'un transfert de camp à camp, celui de destination étant d'ailleurs souvent inconnu".

Il suffit de relire le texte de cette loi pour constater que son objectif principal était pourtant, précisément, de pallier cet "inconnu" dans la rédaction des actes de décès, en donnant un lieu - ficitif mais décent - à la mort de nos déportés.

Dans cette même lettre, M. Michel S*** semble contester également la mort en déportation des enfants d'Izieu :

"Le dossier des enfants d'Izieu, qui pose effectivement un certain nombre de questions au regard de l'application des dispositions de la loi du 15 mai 1985, fait l'objet d'un examen attentif"

On est en droit de se demander quelles peuvent bien être les questions qui se posent au sujet des enfants d'Izieu, envoyés à Auschwitz le 6 avril 1944 sur ordre de l'infâme Barbie, qui font l'objet d'un examen attentif depuis au moins vingt-quatre ans, et interdisent d'établir tous leurs actes de décès en y ajoutant la mention "mort en déportation" ? Cela laisse-t-il pour hypothèse que Barbie les envoyait en colonie de vacances ?...

Enfin, dans cette lettre du 19 février 2009, M. Michel S*** précise que la Direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale du ministère de la Défense, chargée de la rectification de ces actes de décès, est dans l'impossibilité de prévoir à quelle date ce travail sera terminé "compte tenu des milliers de dossiers encore en instance". Ceci est en contradiction totale avec ce qu'indiquait la lettre minisérielle du 7 novembre 2002 (annexe 21) qui prévoyait la fin de ce travail pour la fin de l'année 2002...

Pas de sépulture pour les déportés de France non rentrés des camps de la mort, c'est la faute des nazis. Mas pas d'acte de décès, soixante-quatre ans après leur mort, c'est bien la faute de la France...


mardi 27 janvier 2009

III - Dossiers réglés de manière satisfaisante, mais avec lenteur et après relances multiples

Dans certaines réponses émanant de la DPMA (devenue la Direction des Statuts, des Pensions et de la Réinsertion Sociale, ce changement d'étiquette n'ayant apparemment aucune incidence sur ce dossier), pour tenter de se justifier, les signataires rappellent quelques dossiers qui ont fini par aboutir, à la suite des requêtes de Mme Eve-Line BLUM-CHERCHEVSKY. Voici dans quelles conditions elle a pu, en effet, obtenir satisfaction.

Elle doit tout d'abord rendre un hommage tout spécial à Mme. Solange A***, qui était alors directrice de la DPMA, et qui est intervenue, en décembre 2003, de manière extrêmement efficace sur un point particulier concernant le seul convoi 73 : elle a obtenu que les actes de décès concernant les déportés de ce convoi soient tous rédigés de la même manière, conformément à l'Histoire et à la Géographie (annexe 22).

1) À savoir que les 878 hommes juifs que ce convoi déportait vers les pays Baltes sont morts à Kaunas (Lituanie) ou à Reval (Estonie), sans que l'on sache, pour la plupart d'entre eux, dans lequel de ces deux pays ils ont été exterminés. Or, jusqu'à l'intervention de Mme. Solange A***, on pouvait relever des dates et des lieux de décès aussi fantaisistes que possible concernant les déportés du convoi 73 (comme on le constatera dans al partie de ce dossier consacrée à ce convoi).

2) Le dossier d'Eugène BLUM (père du mari de Mme Eve-Line BLUM-CHERCHEVSKY) : il leur a fallu dix années de démarches variées (pièces justificatives à l'appui) pour obtenir que son acte de décès soit correctement rédigé et transmis à la mairie du lieu de sa naissance, et à la mairie de son lieu de résidence.

3) Le dossier du bébé André BLUMBERG évoqué dans des lettres du 28 novembre 2005 et du 6 décembre 2006 : à cette date, il avait été indiqué que l'arrêté le concernant était « en instance de signature » ; toujours est-il que l'arrêté en question, daté du 12 juillet 2007 (soit 19 mois après la lettre du 6 décembre 2006), a été publié au Journal Officiel du 7 août 2007.
Il aura donc fallu à Mme Eve-Line BLUM-CHERCHEVSKY quatre ans de démarches et de relances pour obtenir gain de cause...

4) Le dossier de Jakob REDER : dans une lettre de M. Michel S***, directeur du cabinet du Secrétaire d'État à la Défense et aux Anciens Combattants, il précise : « s'agissant du dossier relatif à l'état civil de Monsieur Jakob REDER, je suis en mesure de vous informer que ce dossier va être régularisé très prochainement ».

Il faut rappeler ici que le Procureur de la République de LYON (dernière adresse connue de ce déporté) s'était refusé à toute intervention (il ne s'agit donc plus ici d'une mauvaise interprétation de la loi... mais d'un refus pur et simple de l'appliquer) (
annexe 23).

Il a donc fallu faire appel au Tribunal de Grande Instance de PARIS, après quelques difficultés, le Vice-Procureur du Parquet du Tribunal de Grande Instance de PARIS ayant cru devoir exiger, par lettre du 6 décembre 2007, « tout document justifiant de l'état civil, de la situation matrimoniale et professionnelle et de l'adresse du déporté (acte de naissance, acte de mariage, actes de naissance de ses enfants ou copie de documents familiaux) ». (annexe 24)

et la fille de Jakob REDER s'étant refusée à produire ces documents, non prévus par la loi de 1985, le jugement déclaratif de décès concernant Jakob REDER a été rendu le 25 juin 2008 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS (toutefois, au 1er novembre 2008, l'arrêté ministériel le concernant n'a pas encore été publié). Il aura fallu près de cinq ans de démarches, à la fille de Jakob REDER et à Mme Eve-Line BLUM-CHERCHEVSKY, pour obtenir satisfaction.

D'autre part, cet acte de décès comporte une erreur qui nécessitera un arrêté rectificatif (
annexe 25)

Jakob REDER n'est pas décédé à KAUNAS (Lituanie)(annexe 22, pour mémoire)

mais à « à Kaunas (Lituanie) ou à Reval (Estonie) » comme l'a admis Mme Solange A***.


5) Enfin, pour mémoire :

dans deux autres lettres (M. MEKACHERA, Ministère des Anciens Combattants, 15 mars 2006 (
annexe 15) et M. Daniel A***, Ministère de la Défense, 18 avril 2006 (annexe 17) sont évoqués les dossiers de sept déportés comportant des erreurs signalées par les soins de Mme Eve-Line BLUM-CHERCHEVSKY, et le signataire de la lettre écrit « L'Officier d'état civil habilité du Ministère de la Défense a procédé à une rectification administrative des actes de décès des cinq premiers déportés cités, et que leurs noms figureront dans le texte d'un prochain arrêté ministériel tenant compte des modifications apportées ». Or, au 1er novembre 2008, aucun arrêté ministériel n'a été publié concernant ces cinq personnes...

Pourtant, en ce qui concerne les hommes, ils faisaient bien partie du convoi 73, et en ce qui concerne les femmes dont il est question (plus deux autres dont les noms ont été relevés par la suite), l'erreur est flagrante puisque, d'une part, le convoi 73, seul convoi français qui ait été dirigé vers les pays Baltes, n'emmenait que des hommes dans la force de l'âge, et d'autre part, le nom de ces femmes figure dans les listes de Drancy, au départ d'autres convois que le convoi 73.

Dans la même lettre, datée du 18 avril 2006, il était également question de l'enfant André BLUMBERG, évoqué précédemment dans le présent dossier, en ce sens que son nom allait figurer dans un arrêté ministériel portant attribution de la mention « Mort en déportation » sur son acte de décès. Comme indiqué ici précédemment, cet arrêté a été publié le 12 juillet 2007 (
annexe 26)

soit 15 mois après envoi de la lettre de la Direction des Statuts, des Pensions et de la Réinsertion Sociale...


Par conséquent, il ne faut pas se laisser leurrer : les quelques dossiers pour lesquels il a été donné satisfaction à Mme Eve-Line BLUM-CHERCHEVSKY ne représentent qu'une infime petite parcelle de l'iceberg général, leurs rectifications ont été obtenues à l'arraché, et le mettre en exergue pour tenter de démontrer la pseudo-efficacité des services compétents n'est pas très honnête dans la mesure où il s'agit de l'arbre qui cache la forêt.

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lundi 26 janvier 2009

IV - Cas particulier du convoi 73

Le convoi 73 a connu un sort tout à fait particulier et atypique, parmi les quelque 80 convois de Juifs déportés de France. Il emmenait 878 hommes (ni femmes, ni enfants, ni personnes âgées), dans la force de l’âge, aptes au travail, car ils étaient censés aller travailler pour l’Organisation Todt et espéraient ainsi échapper à la déportation.

Pour une raison toujours inconnue à ce jour, le train a été dirigé vers les pays Baltes, 600 hommes environ qui étaient enfermés dans 10 des 15 wagons du convoi, sont restés à KAUNAS (Lituanie), les quelque 300 autres continuant la route vers REVAL (aujourd’hui TALLINN, en Estonie). Il n’y eut que 22 survivants en 1945.

Pendant 50 ans, l’histoire du convoi 73 est restée ignorée, tant des familles concernées que des historiens.

À partir de 1994, à la suite d’un concours de circonstances diverses, Mme Eve Line BLUM-CHERCHEVSKY été amenée à réaliser, à titre totalement bénévole et désintéressé, un ouvrage à la mémoire de ces déportés (parmi lesquels se trouvait son père) comportant une partie documentaire et une partie rassemblant les témoignages de près de 300 familles de ces déportés. Cet ouvrage comporte six volumes ; Mme Eve Line BLUM-CHERCHEVSKY travaille actuellement au volume VII, et il est le seul ouvrage de référence concernant ce convoi.

C’est pourquoi elle s'est beaucoup attachée à l’histoire du convoi 73, y compris à la question des actes de décès de ces déportés (annexe 27, annexe 28, annexe 29, annexe 30, annexe 31).

À ce jour, sauf omissions ou erreurs toujours possibles, 493 arrêtés ministériels nominatifs concernant des déportés du convoi 73 ont été publiés au Journal Officiel à la suite de la loi n° 85-528, parmi lesquels 60 seulement sont conformes aux dispositions de la loi précitée, suite à l’intervention de Mme S. *** évoquée dans le présent dossier. En ce qui concerne tous les autres, ils contiennent une multitude d’informations aussi variées que fantaisistes concernant le lieu et la date du décès :

Le lieu de décès est, au choix :

♦ Kaunas/Reval (Lithuanie-Esthonie)
♦ Kaunas-Reval (Lithuanie)
♦ Kaunas (Lithuanie)
♦ Kaunas-Réval (Lithuanie)
♦ Kaunas Rewel (Lithuanie)
♦ Dans la région de Reval
♦ Kaunas (Lettonie)
♦ Kaunas Reval (Lettonie)
♦ Rewal (Esthonie)
♦ en Lituanie
♦ en déportation
♦ en déportation en Allemagne
♦ en Allemagne
♦ à Auschwitz
♦ à Birkenau
♦ l’an 1944 en fin d’année à Dachau
♦ le 20 mai 1944 (sans autres renseignements)
etc.

La date de décès est variable, même si, la plupart du temps, elle est correcte (20 mai) :

19 mai 1944
en juillet 1944
le 16 mai 1944
le 22 mai 1944
en mai 1944
24 avril 1944 (3 semaines avant le départ du convoi !)

Bilan :

- 878 déportés par le convoi 73 ;
- 22 survivants en 1945 ;
- 428 arrêtés ministériels dont seulement 60 sont rédigés conformément aux dispositions de la loi et dont 368 sont donc à rectifier.

Il reste à établir environ 433 actes de décès actuellement inexistants ou à rectifier ceux qui existent déjà mais qui n’ont pas encore été étudiés par les services compétents
(annexe 27, annexe 28, annexe 29, annexe 30, annexe 31).

Il faut noter également quelques cas spécifiques :

- La loi n° 85-528 précise, dans son article 3 : « Lorsqu’il est établi qu’une personne a fait partie d’un convoi de déportation sans qu’aucune nouvelle ait été reçue d’elle postérieurement à la date du départ de ce convoi, son décès est présumé survenu le cinquième jour suivant cette date, au lieu de destination du convoi ». Que faut-il entendre par « sans qu’aucune nouvelle ait été reçue d’elle » ? Faut-il prendre cette phrase stricto sensu, et considérer qu’il s’agit de nouvelles transmises directement par le ou la déporté(e) ? Ou bien faut‑il assimiler les témoignages de survivants comme nouvelles des victimes reçues postérieurement à la date du départ du convoi, comme cela a été fait ?

Parmi les témoignages concernant le décès avéré de quatre déportés du convoi 73, qui ont permis l’établissement de jugements déclaratifs de décès, deux d’entre eux sont discutables et très vraisemblablement erronés, car ils affirment que le décès est survenu dans des camps d’extermination où il semble matériellement impossible que ces déportés soient parvenus. Mais comme personne ne pourra plus jamais contester ces témoignages, ils resteront ce qu’ils sont.

Un autre témoignage, indiscutable, concerne un déporté parti de Drancy sous un faux nom. La seule preuve de son existence et de son décès est donc précisément ce témoignage. Cependant, aucun arrêté ministériel nominatif n’a encore été établi à son nom. Ce déporté, Moïse TURISKI, n’existe donc tout simplement pas officiellement, tandis que son nom d’emprunt, Anatole BELICHEF (celui d’un homme n’ayant jamais été déporté et décédé après la fin de la guerre) est gravé sur le Mur des Noms du Mémorial de la Shoah…

- Comme indiqué précédemment, et comme cela apparaît dans l’annexe 29, il faut noter quelques arrêtés ministériels nominatifs qui ont été établis au nom de personnes qui n’ont pas fait partie du convoi 73 et ne peuvent aucunement être décédées à KAUNAS (Lituanie), notamment quelques femmes (alors que le convoi 73 n’emmenait que des hommes) d’autant plus que leurs noms sont inscrits dans les listes établies au départ d’autres convois dirigés vers AUSCHWITZ. Lorsque Mme Eve Line BLUM-CHERCHEVSKY a sollicité la rectification de ces mentions, il lui a été répondu qu’il lui appartenait d’apporter la preuve que ces personnes n’étaient pas dans le convoi 73… ???!!!

dimanche 25 janvier 2009

REQUÊTES

Parmi les travaux qu'elle a effectués à la mémoire des déportés du convoi 73, Mme Eve Line BLUM-CHERCHEVSKI a vérifié ce qu’il en est pour chacun des 878 hommes de ce convoi, concernant leurs actes de décès ; elle a établi la liste de ceux pour lesquels cet acte d’état civil a été publié, ainsi que les erreurs constatées dans ces documents sauf erreurs ou omissions inévitables car elle ne dispose pas des mêmes facilités que les services ministériels pour effectuer cette statistique (rappel : annexes 27 à 31).

L’article 99 du Code civil précise :
  • La rectification des actes de l'état civil est ordonnée par le président du tribunal.
  • La rectification des jugements déclaratifs ou supplétifs d'actes de l'état civil est ordonnée par le tribunal.
  • La requête en rectification peut être présentée par toute personne intéressée ou par le procureur de la République ; celui-ci est tenu d'agir d'office quand l'erreur ou l'omission porte sur une indication essentielle de l'acte ou de la décision qui en tient lieu.
  • Le procureur de la République territorialement compétent peut procéder à la rectification administrative des erreurs et omissions purement matérielles des actes de l'état civil ; à cet effet, il donne directement les instructions utiles aux dépositaires des registres.
Mme Eve Line BLUM-CHERCHEVSKI aimerait savoir ce que l’on entend par « toute personne intéressée » et si elle fait partie de cette catégorie de personnes qui peut présenter une requête en rectification.

Dans l’affirmative, à quel procureur de la République territorialement compétent dois-elle s’adresser pour obtenir la rectification de ces plusieurs centaines de jugements déclaratifs de décès concernant les déportés du convoi 73, et l’établissement d’actes de décès non encore établis pour quelques centaines d’autres ? Cela peut-il être celui de son domicile actuel ?

Dans la négative, quelles démarches peut-elle effectuer pour obtenir, in fine, que l’ensemble des hommes du convoi 73 aient fait l’objet d’un jugement déclaratif de décès rédigé en bonne et due forme, sans erreur dans leur état civil, sans entorse à l’Histoire ou à la Géographie, et conforme aux dispositions de la loi de 1985 ?

jeudi 22 janvier 2009

Les 44 enfants d’IZIEU et leurs six éducateurs

Actes de décès des 44 enfants d’IZIEU et de leurs six éducateurs et éducatrices

1987

Le procès de Klaus Barbie s'est déroulé du 11 mai au 4 juillet 1987 devant la Cour d'Assises du département du Rhône, au Palais de Justice de Lyon. C'était la première fois en France que l'on jugeait un homme accusé de crime contre l'humanité. Les charges retenues contre Barbie concernaient trois faits distincts :
• La rafle opérée à Lyon le 9 février 1943 à l'Union Générale des Israélites de France (UGIF) rue Sainte-Catherine
• La rafle des enfants d’Izieu du 6 avril 1944
• La déportation de plus de 600 personnes dans le convoi du 11 août 1944

Au terme de huit semaines d'audience, Barbie a été condamné le 4 juillet 1987 à la réclusion criminelle à perpétuité. C’est dire l’importance de la rafle des enfants d’Izieu, l’un des trois faits retenus pour condamner ce criminel de guerre.

Le décès des 44 enfants d’Izieu et des six éducateurs et éducatrices qui ont trouvé la mort en même temps qu’eux apparaissait donc ipso facto comme indiscutablement certain. En conséquence, on était en droit de s’attendre à ce que leurs actes de décès soient établis sans délai.

Vérification faite, il s’avéra qu’à cette époque (4 juillet 1987), l’acte de décès d’un seul enfant d’Izieu avait été publié au Journal Officiel !!! Trois autres avaient fait l’objet d’un arrêté signé le 2 juin 1987, mais ne furent publiés que dans le Journal Officiel du 6 août 1987, soit un mois après la condamnation de Klaus Barbie.
Par la suite, 2 arrêtés ministériels furent publiés en 1993, 6 en 1994, 3 en 2006. Soit un total de 15 actes de décès, alors que 44 enfants avaient été envoyés à la mort par Klaus Barbie. (voir tableau, annexe n° 33)


Le 23 avril 2007, dans un courrier adressé à un sénateur sympathique qui avait relayé mes revendications, après avoir présenté divers arguments qui ne semblent pas s’appliquer au cas des enfants d’Izieu (leur décès en déportation ne faisant aucun doute depuis le procès Barbie) M. Hamlaoui MEKACHERA, ministre délégué aux Anciens Combattants, écrivait :
« Un premier examen des dossiers des enfants de la « Maison d’Izieu » et de leurs accompagnateurs, cités par Madame BLUM-CHERCHEVSKY, a déjà été effectué par le bureau des archives des victimes des conflits contemporains du Service historique de la défense. Le nom de certains de ces enfants a déjà figuré dans le texte d’arrêtés ministériels antérieurs, d’autres vont figurer dans le texte d’un prochain arrêté à paraître au Journal officiel de la République française ».

(voir annexe n° 34)

On notera tout d’abord l’humour (noir) involontaire de Monsieur MEKACHERA, lorsqu’il écrit, 62 ans après la fin de la guerre, qu’ « un premier examen » […] « a déjà été effectué ».

À la date de cette lettre, effectivement, quinze dossiers d’enfants de la Maison d’Izieu avaient été régularisés. Cependant, il n’y eut aucun « prochain arrêté » pendant trois ans…

Je continuai donc mes démarches et mes appels auprès de personnalités diverses pour tenter de faire aboutir mes revendications, afin que la totalité des 44 enfants victimes de Klaus Barbie soient enfin reconnus « morts en déportation » cinq jours après le départ de leur convoi (convois n° 71, 73, 74 ou 75 selon les uns ou les autres).

Dans une réponse qui me fut adressée le 19 février 2009, M. Michel SUCHOD, Directeur du cabinet du Secrétaire d’État à la Défense et aux Anciens Combattants, précisait :

« Le dossier des enfants d'Izieu, qui pose effectivement un certain nombre de questions au regard de l'application des dispositions de la loi du 15 mai 1985, fait l'objet d'un examen attentif ».

(voir annexe n° 35)

Le dossier de ces enfants ayant été utilisé en 1987 pour confondre l’infâme Barbie, sans que personne ne discute le bien fondé de cette démarche, on ne comprend pas quel examen attentif était toujours nécessaire, deux ans après la réponse de M. MEKACHERA, et quel était ce « certain nombre de questions » qui se posaient, vingt-deux ans après la sentence condamnant Barbie, faisant obstacle à l’établissement des actes de décès de ces petites victimes !!!

Mes interventions auprès de personnalités diverses et variées finirent par aboutir et j’eus enfin la satisfaction de lire un arrêté ministériel signé le 16 décembre 2009, et publié trois mois plus tard au Journal Officiel du 12 mars 2010, concernant les 29 enfants d’Izieu dont le ministère avait enfin réussi à admettre la mort en déportation à Auschwitz, soixante-six ans (à quelques jours près) après leur arrestation à Izieu.

Cependant, en vérifiant un à un le nom des 29 enfants inscrits dans cet arrêté ministériel, j’y lus aussi celui de quatre éducateurs et éducatrices qui les avaient accompagnés jusqu’au bout de leur calvaire. Ils étaient sept, au départ de Drancy, mais une seule éducatrice avait survécu. Il manquait donc encore les actes de décès de deux éducatrices.

2010


Je commençai par écrire aux bureaux ministériels de CAEN (ONAC) en leur demandant de bien vouloir établir ces deux actes de décès. Je reçus cette réponse laconique, datée du 27 avril 2010 :

« Par courrier du 5 avril 2010, vous avez demandé la régularisation de l’état civil de Lucie Feiger et Mina Friedler, déportées de la Maison d’Enfance d’Izieu (Ain).

« Je suis au regret de vous faire connaître que malgré des enquêtes diligentées vers différents services administratifs, il n’a pas été possible de réunir les documents d’état civil de naissance et de mariage nécessaires à la rédaction de ces actes par l’Officier d’état civil de la direction générale de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, conformément aux dispositions de l’article 79 du code Civil. »

(voir annexe n° 36)

Je remarquai tout d’abord que mon interlocuteur ne connaissait pas l’article 79 du code Civil, ou bien tentait de m’abuser. Car sa teneur exacte et complète est celle-ci :

L'acte de décès énoncera :
1° Le jour, l'heure et le lieu de décès ;
2° Les prénoms, nom, date et lieu de naissance, profession et domicile de la personne décédée ;
3° Les prénoms, noms, professions et domiciles de ses père et mère ;
4° Les prénoms et nom de l'autre époux, si la personne décédée était mariée, veuve ou divorcée ;
5° Les prénoms, nom, âge, profession et domicile du déclarant et, s'il y a lieu, son degré de parenté avec la personne décédée.
Le tout, autant qu'on pourra le savoir.
Il sera fait mention du décès en marge de l'acte de naissance de la personne décédée.

La mention « Le tout autant qu’on pourra le savoir » est dépourvue de toute ambiguïté et ne nécessite aucun commentaire superflu.
Je ne pus m’occuper de ce dossier immédiatement, mais dès le 10 mai 2010, je m’adressai, par courrier électronique, à un service d’archives belge qui m’avait déjà renseignée dans un autre dossier, sachant qu’en 1944 Mina Friedler venait de Belgique avec sa fille Lucienne (déportée également) :

Le 10 mai 2010 01:48, Eve Line Blum a écrit :
« Madame,

Je fais actuellement une recherche concernant deux personnes, une mère et sa fillette, qui ont été déportées de France en avril 1944, dans la rafle des enfants d'Izieu.

L'enfant s'appelait Lucienne FRIEDLER, née à ANVERS le 18 février 1939.

Sa mère s'appelait Marie FRIEDLER (dite "Mina"). Elle était éducatrice à la maison des enfants d'IZIEU et elle venait probablement de Belgique puisque sa fille y était née en 1939. Les renseignements que j'ai obtenus concernant Marie (Mina) FRIEDLER sont contradictoires et je n'arrive pas à savoir où elle est née. Elle serait née le 22 février 1912, soit en France, soit en Pologne, soit à TURKU (Finlande)...

Y a-t-il une possibilité d'en savoir plus sur Lucienne FRIEDLER et sa mère ? Peut-être l'acte de naissance de l'enfant comporte-t-il le nom et la date de naissance de sa mère, comme c'est le cas pour les actes de naissance en France ? »

Je reçus la réponse avec une célérité que notre administration française ignore :

à eve.line.blum@gmail.com
date 10 mai 2010 15:33
objet votre demande de recherches

La pièce jointe à ce courrier commençait ainsi :
« Madame,
Suite à votre e-mail de ce jour, dans lequel vous nous avez demandé des renseignements concernant Lucienne et Marie Friedler, nous avons l’honneur de vous communiquer les données suivantes […]. »

Ces données étaient extrêmement complètes et précises. Mon correspondant terminait sa lettre en me conseillant de m’adresser aux Archives Générales du Royaume pour obtenir des informations complémentaires.

(voir annexe n° 37)

J’écrivis à l’adresse indiquée, et quelques jours plus tard, je reçus une liasse de 35 documents variés, concernant Marie Friedler, son mari (survivant) et leur fille. Certes, il n’y avait aucun acte d’état civil proprement dit mais un ensemble d’informations largement suffisantes pour attester de l’identité de Marie Friedler et de sa situation familiale.

À qui fera-t-on croire que l’Office National des Anciens Combattants, travaillant de concert avec le Ministère de la Défense et des Anciens Combattants, n’avait pu, « malgré des enquêtes diligentées vers différents services administratifs », « réunir les documents d’état civil de naissance et de mariage nécessaires à la rédaction de ces actes », malgré toutes les prérogatives et les privilèges dont disposent les ministères français, tandis que moi, vulgum pecus insignifiante, du fond de ma province, assise devant mon ordinateur, j’avais obtenu – dans un premier temps – en l’espace de quelques heures, les informations complètes nécessaires, corroborées rapidement par trente-cinq documents supplémentaires ? Quoi qu’il en soit, j’envoyai ces documents à l’ONAC le 5 juillet 2010.

Il me restait encore à trouver l’acte de naissance de la seconde éducatrice dont l’acte de décès restait à établir. Après m’être renseignée auprès d’une association de généalogie, j’écrivis directement à sa mairie de naissance, en Pologne. En quelques jours, je reçus une copie de la page du registre d’état civil sur laquelle cette naissance avait été enregistrée : ce registre avait été conservé dans les archives de la synagogue de cette ville. Le ministère français n’aurait-il pas pu obtenir le même résultat, sans doute dans un délai encore plus rapide que moi ?...

N’ayant pas reçu de réponse à ma lettre du 5 juillet, j’envoyai néanmoins copie de ce document à l’ONAC le 7 septembre 2010 et, cette fois, j’alertai à nouveau un certain nombre de personnalités susceptibles, éventuellement, d’appuyer ma demande. J’ignore si des interventions eurent lieu ; toujours est-il que je reçus une réponse de l’ONAC datée du 18 novembre 2010, par conséquent dans un délai, somme toute, plutôt rapide, me faisant savoir « que les actes de décès relatifs à ces deux personnes vont être établis par mes services » et que « leur nom figurera dans un prochain arrêté publié au Journal Officiel ».

(voir annexe n° 38)

Concernant ce dossier d’Izieu, il reste encore à régulariser l’acte de décès de Miron ZLATIN, directeur de cette maison d’enfants, arrêté en même temps que les enfants mais déporté avec deux des adolescents par le convoi 73, le 15 mai 1944, vers les pays Baltes : son acte de décès, rectifié une première fois par arrêté ministériel du 6 mars 1992, indique qu’il est décédé à Kaunas Reval (Lettonie). « Kaunas Reval » est une absurdité, et « Lettonie » en est une autre puisque Kaunas se trouve en Lituanie et Reval en Estonie. En réalité, selon le témoignage d’un survivant, dûment enregistré le 4 septembre 1946 au ministère de l’Intérieur, Miron Zlatin est décédé à Reval (Estonie) « à la fin du mois de juillet 1944.