mardi 20 janvier 2009

La loi de 1985 toujours pas appliquée


Mise à jour du 9 janvier 2012



De nombreux sénateurs et députés se sont mobilisés, depuis la promulgation de la loi n° 85-528 du 15 mai 1985, pour interroger le gouvernement au sujet de la lenteur avec laquelle sont établis les actes de décès des personnes non rentrées des camps nazis, sans jamais obtenir de réponse satisfaisante.

En juin 2010, M. Jean-Pierre GRAND, député de l’Hérault, a présenté devant l’Assemblée Nationale une proposition de loi visant à accélérer la mise en œuvre de la loi n° 85-528 du 15 mai 1985 relative aux actes et jugements déclaratifs de décès des personnes mortes en déportation (voir ici)

Malheureusement, il semble bien que les bonnes intentions manifestées dans ce texte rejoindront les « initiatives … prises par les ministères de la défense et de la justice pour tenter d’améliorer cette situation », restées inefficaces, dont il est question dans cette proposition de loi.

D’autre part, M. Yves DETRAIGNE, sénateur, a quant à lui déposé le 30 septembre 2010 un amendement visant à « accélérer la mise en œuvre de la loi n° 85-528 du 15 mai 1985 relative aux actes et jugements déclaratifs de décès des personnes mortes en déportation, en prévoyant que les fonctionnaires ayant reçu l’habilitation prévue par l’ordonnance n° 45-2561 du 30 octobre 1945 puissent, par dérogation aux dispositions du code civil, établir les actes de décès des personnes concernées par cette loi. » (voir ici)

Cet amendement a été inclus dans la loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, présentée par M. Bernard SAUGEY, rapporteur au nom de la Commission des lois, le 11 décembre 2011. (voir ici)

Tout en présentant cet amendement destiné à améliorer, faisant allusion à une circulaire de la Chancellerie, en octobre 2008, qui aurait contribué à augmenter le nombre annuel d’appositions de la mention « mort en déportation », M. Bernard SAUGEY ajoute :
« Cependant, en dépit de cette amélioration récente, au rythme actuel, il ne semble pas qu'il puisse être remédié à la situation présente avant plusieurs années voire dizaines d'années : les délais propres aux procédures de jugements déclaratifs de décès, qui sont d'autant plus longs que le dossier est complexe ou que les preuves sont difficiles à rassembler, comme c'est la plupart du temps le cas, pour des personnes disparues ou mortes en déportation, ne permettent pas d'espérer une accélération significative dans le traitement des demandes.»

En d’autres termes, l’amendement en question ne servira pas à grand-chose. On pourrait cependant certainement réduire les délais de traitement de beaucoup de dossiers en étudiant sérieusement les conditions dans lesquelles sont établis ces actes de décès.

Pourtant, l’article 3 de la loi n° 85-528 du 15 mai 1985 semble très clair :
« Article 3 : Lorsqu’il est établi qu’une personne a fait partie d’un convoi de déportation sans qu’aucune nouvelle ait été reçue d’elle postérieurement à la date du départ de ce convoi, son décès est présumé survenu le cinquième jour suivant cette date, au lieu de destination du convoi.»

Par conséquent, dès lors que les archives ont conservé les listes de départ des convois vers les camps d’extermination, telles qu’elles ont été publiées par Serge Klarsfeld, en ce qui concerne les déportés juifs, et par la Fondation pour la Mémoire de la Déportation pour les déportés résistants, il ne devrait pas y avoir de difficulté majeure pour établir les actes de décès correspondants.

On constate pourtant, par exemple, qu’il a été très difficile d’obtenir, soixante ans après la fin de la guerre et plus de vingt ans après la condamnation de Klaus Barbie (juillet 1987), que soient établis les actes de décès des 44 enfants que ce dernier avait envoyés à Auschwitz, ainsi que ceux des éducateurs qui les ont accompagnés jusqu’au bout de leur calvaire. Au 1er décembre 2011, il reste d’ailleurs un acte de décès à établir, et plusieurs autres à rectifier…

En revanche, nous avons trouvé le cas d’un homme dont personne ne sait exactement ce qu’il est devenu après avoir été torturé sauvagement par les Allemands dans la région de Belfort, en 1944 (Cf. Colney Michel, Destins Tragiques, édition http://www.csv-patrimoine.org, 2009, Courtelevant (90)). En 1950, à la demande du maire de l’époque, un jugement fut rendu par le tribunal de première instance, déclarant judiciairement son décès, et en fixant la date « en octobre 1944 ». Dans ce cas précis, le ministère de la Défense n’a pas hésité à rectifier cet acte de décès, dans un arrêté du 17 juin 2011, publié au Journal Officiel du 7 août 2011, en y apposant la mention « mort en déportation » à côté de « décédé en octobre 1944 sans autre renseignement »…

Tout ceci est en contradiction absolue avec l’esprit dans lequel ont été menés les travaux préparatoires à la loi de 1985, tant à l’Assemblée Nationale qu’au Sénat, qu’il convient de relire pour pour le constater.

Il semble donc que les circulaires et les arrêtés soient insuffisants pour faire en sorte que toutes ces personnes disparues fassent un jour l’objet d’un acte de décès correctement établi : une étude sérieuse et probablement une refonte de la loi de 1985 semblent s’imposer.

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